Sunday, April 27, 2014

MIRADOR VS BARRICADES / KIEV

Maidan Square, Kiev; Ukraine, april 2014


Un prêtre grec orthodoxe dans le lobby de l'hôtel montre ses mains et nous comprenons qu'il a porté les corps blessés et mourants dans le lobby de l'hôtel. Les portables sonnaient dans le vide des poches de ces personnes sans papiers. Le Pope répondait aux proches inquiets. 
Sous le tapis rouge de la réception, la mémoire du sang de cet hôpital d'urgence improvisé. 

Marcher sur la place Maidan et sentir une odeur de suie grasse, de pneux brûlés et de feu de bois. Un campement mouillé, des barricades de toutes parts, de petits check-point tenus par les gardiens de la révolution, qui ont vidé les stocks de tenues militaires disparates. 
Il y a en deux d'ailleurs qui surveillent l'entrée de l'hôtel, bâtiment le plus haut de la place. Des snipers ont pénétré les lieux pour tuer depuis le toit le 20 février dernier. 
Malgré le remplacement de nombreuses vitres, derrière les rideaux, les impacts garnissent encore les transparences.
A nouveau sur la place et sentir la terre noire sous ses pieds, les pavés munitions ayant été rassemblés en quantité par hommes et femmes. Je pense aux lances-pierre de Gaza. 

Au fil de la semaine, les premières impressions de Maidan se sont transformées. L'espace semble s'être mué en lieu de mémoire organisé où les preuves de lutte sont harmonieusement disposées. 
Autour de boucliers artisanaux, les pavés forment de jolis murets fleuris. Des paquets de pneus paraissent échappés d'un jardin d'enfants et les décombres barricadent. Les hommes coupent le bois à la hache pour préparer le repas collectif ouvert aussi aux sans abris. Les visages de décédés et de disparus sont partout. 
Deux hommes en treillis se joignent à un groupe de femmes qui se recueillent devant la photo d'un homme tout juste ajoutée. Quelques instants auparavant, j'avais observé cette maman déambuler avec un paquet de photos plastifiées, son mari je suppose, les yeux rouges d'avoir perdu les mots. Les visages durs de ses deux petites filles accompagnent la grand mère au regard blanc.
L'ironique impression d'une gigantesque installation artistique s'estompe et me laisse muet. 

Shooting "Hotel machine", film dir. by Emanuel Licha. 



















Wednesday, April 23, 2014

CHANGEOVER / TEL AVIV


late wandering in Jerusalem / Tel Aviv / april 2014
in/out Gaza strip













Sunday, April 20, 2014

I'M THE FIXER / GAZA 4

Gaza, 12 avril 2014

Le soleil est sur le point d'épouser l horizon. Sur la plage, de petites surfaces brillantes trompent l'ennui des oiseaux perdus. A contre-jour, le plastique est beau de loin. Plus bas, quelques hommes boivent le thé à l abri du vent, réfugiés entre quelques plaques de métal rouillés, un vieux chariot couché. La fumée trahit le feu qui trop petit se tient à l'abri. Dans l'axe du rougeant, quelques grands enfants s amusent à faire des sauts périlleux, silhouettes amorties par le sable. Les percussions d'un des mariages quotidiens viennent de se voir détrôner les tempes par l'appel du Muezzin. Ils sont nombreux, légèrement décalés comme en écho. 
A ma droite, un homme seul depuis un moment, le regard à perte de vue, vers l'infini muré. 
La nuit à pris place. Des phares surgissent de l horizon. Ce sont des chalutiers israéliens aux allures de radars en eaux prohibées.
Devant l'hôtel, des façades literalement découpées; au regard survient le préjugé. 
Non. Le gouvernement a imposé l'élargissement de la route côtière, financé par le Qatar. Manu militari, les immeubles ont perdu leur premier apparat et certaines de leurs pièces en plaie béantes. "Pour faire une avenue large pour les Porche et autres Ferrari" plaisante Osama, le directeur de l'hôtel retrouvé sur le pas. 
Le concert de klaxons a repris. Quand soudain, surgit un jeune cheval courant à tue tête sans cavalier, dans le doute effrayé, ou un peu ivre de ne plus sentir l harnais. 

sur le tournage d'Hôtel Machine, avec Emanuel Licha, François Waledish au son & Katharina Knust, assistante real 

















Thursday, April 17, 2014

الجمعة / GAZA 3

*vendredi / الجمعة


Gaza, 10 avril 2014

Aujourd'hui, je me suis retrouvé un moment seul pour filmer quelques plans qui ne nécessitaient personne. Et là, un homme de ménage affable, croisé de nombreuses fois tout sourire, A. s'approche en s'excusant déjà. Chaque jour, nous l'entendons chantonner par delà les couloirs, au travers d'une porte entrouverte. 
Il me raconte les 15 jours bloqué dans l'hôtel il y a quatre ans, durant des bombardements, sans nouvelles de sa famille, des tirs pas loin de chez lui. Il me parle de ses peurs, de son désir de liberté; ne fut ce qu'une fois dans sa vie sortir de ces 41 sur 15 km de terre, les seuls qu'il connait. 
Un instant, il frappe sur son oeil gauche. Le son trahit du verre! Et sa main le retire pour montrer son visage à nu, borgne. Un éclat de mortier l'a touché lorsqu'il avait moins de 10 ans. L'année passée, il a perdu son oeil de rechange en se baignant. Le médecin grec qui l'avait soigné est depuis reparti loin. A présent, il ne nage plus, de peur perdre celui qui lui reste. Il se méfie de ce qui l'entoure; sa demie vue lui est vitale pour subvenir à sa famille. 
Nous partageons une cigarette en souriant. François, l'ingénieur son nous a entretemps rejoint. Nous sommes assis dans une alcôve et il se met à chanter, avec une douceur profonde, vibration émotive et réconfortante. 
Il repart discrètement, je n'ai pas réussi à le prendre en photo. L'image était de trop sans doute. 
D'autres personnes nous raconterons le son de la guerre et aussi celui des drones, bourdonnements constants; menaces presqu'invisible, nouvelles armes déshumanisées. Issus du développement militaire, les drones sont, dans d'autres contrées, des jouets pour enfants ou ... de nouveaux moyens de tournage. 
Le conflit prend de multiples visages que je ne vois que trop peu dans cet espace protégé, l'hôtel où nous tournons, très calme en ces jours. 
En fin de journée, on s'octroie une petite marche sur la plage à laquelle nous faisons face chaque jour. Le soleil descend rapidement. Je languis de l'eau. Personne ne se baigne, la mer est trop polluée près du petit port. Je marche les pieds dans le sable entre les déchets que plus personne ne semble voir. 
Le soleil s'est couché. les jeunes jouent au foot et me lancent des "Wolverine!", héros de X-men. Mes favoris ont leur coefficient de sympathie. On fera une petite partie de raquette de plage. En bois plein, mon poignet endure mais les rires accompagnent nos sauts et chutes. 
A quelques centaines de mètres, l'orchestre se fait entendre à nouveau. Encore un mariage. 
Je lève les yeux, et perçoit sur les immeubles dominants, des petits points noirs, acné de balles sur ces blancs, pores en appel d'air.